Black coffee [THEO]

Il avait eu une info. Et quand bien même, il était tout seul à se geler les précieuses fesses dans sa voiture face à l’aéroport, il ne douta pas un seul instant que cette info ne soit pas en béton armé. De toute façon, c’était quasiment habituel pour lui de bosser en solo. Il avait la plupart de ses informations en mode quasi exclusif. Et ne pas avoir à voir d’autres personnes pendant qu’il travaillait lui plaisait tout à fait. Pas qu’il soit asocial, loin de là. Non, c‘était plutôt qu’il serait sûr de cette manière que personne ne pourrait venir en concurrence avec lui sur le marché de tel ou tel évènement. En l’occurrence, Brad Pitt devait faire escale à Londres dans la journée pour discuter d’un projet cinématographique avec les producteurs de Youth of London. Seulement il avait vraiment besoin de se dégourdir les jambes. Bien évidemment, pile au moment où il allait se décider à aller au café du coin pour prendre un bon café latte, ladite raison de sa présence ici finit par pointer le bout de son nez. Ni une, ni deux, il dégaina son appareil et tout en se faisant discret, il put attraper un certain nombre de clichés. Projet secret ? Plus maintenant. Dommage.

Satisfait de l’opération, il observa ensuite la méga star, qui faisait office de représentation de gorille pour lui plutôt que d’autre chose, monter dans sa berline et il sortit de la sienne pour aller chercher ce fichu café. Il avait une véritable tête de zombie. La raison ? Carol. Ou était-ce Dana ? Il ne se souvenait plus vraiment et pour dire la vérité, ça ne comptait pas davantage. Réprimant un bâillement non des plus seyants, il pénétra dans le café de l’aéroport donnant sur la rue et il commanda l’élixir désiré avant d’aller se poster sur une table. Il avait toujours avec lui son appareil photo. On n’était jamais à l’abri d’un imprévu. Enfin, les peoples surtout n’étaient jamais à l’abri d’une indiscrétion dont le jeune homme en avait la spécialité.

A cet instant, son téléphone vibra avant de faire retentir dans les airs la mélodie pour le moins rock d’Helter Skelter de Dana Fuchs. Il jeta un rapide coup d’œil pour en découvrir l’origine mais l’identité était cachée. Soupirant profondément, il décrocha tout de même. Il détestait répondre lorsqu’il ignorait de qui venait l’appel. Mais peut être qu’un de ses indics avait une information croustillante, toujours plus que les feux de l’amour londonien qu’avait pondu Benjamin. Ce qui intéressait Judah, c’était plus le souffre et la souffrance. Un petit rail, ça vous tente ?

« Bannister. … »

Découvrant l’identité de son interlocuteur, ou plutôt son interlocutrice à vrai dire, il poussa un profond soupir en levant les yeux au ciel. Quand on dit qu’on allait rappeler après avoir passé la nuit avec, pourquoi existait-il encore des gens naïfs qui le croyaient ?

« Salut, Shane. … Oui, je sais. Désolé, je suis pris par le boulot. Tu sais ce que c’est. … Non, c’est vrai j’oubliais que tu ne bossais pas. »

Posant les yeux sur les alentours, il remarqua alors une silhouette familière qu’il avait l’habitude de voir derrière l’écran … de son appareil photo numérique.

« Tu m’excuses mon chou, je dois te laisser. Le boulot. »

Moins d’une seconde plus tard, il le mitraillait. Juste au cas où il ferait quelque chose d’intéressant.

* Pleure, mon grand. Eternue. Ramasse toi. *

Théo était à l'aéroport, il avait profité d'un petite pause pendant le tournage pour rendre visite à sa famille. Ses parents habitaient à New-York et bien qu'ils ne soient pas très proches, ça lui faisait du bien de les revoir de temps en temps... Il rentrait donc d'un petit voyage en Amérique et retournait vers son chez-lui. Il était de bonne humeur, impatient de retrouver l'humeur du tournage, Meira et tous les autres... On s'attache vite à ses petites choses! Il reprit sa petite valise et chercha un endoit où il pourait boire un verre tranquil. Il n'était pas pressé... Il prit un caffé au hasard, s'installa à une des tables et commanda un soda. Il prendrait un taxi tout à l'heure et rentrerait juste à temps pour une nouvelle prise imposé par leur chère Darling Secret. Théo avait très envie de savoir qui se cachait derrière cette identité mistérieuse. Travailler pour quelqu'un dont on ne connait qu'un surnom débil était assez bizare et Théo avait encore du mal à s'accomoder aux habitudes de la réalisatrice. Elle décidait n'importe quand qu'il était temps de touner une scène, se moquait bien de savoir si les jeunes acteurs avaient quelque chose de prévu, se contentant simplement de quelques lettres remplit d'orde à effectuer au plus vite... Mais dans le fond, Théo aimait ça, le suspens! Il buvait lentement son verre quand une jeune femme vint s'assoir à sa table. Il ne la connaissait pas mais ne se posa même pas la question, il savait bien pourquoi elle était là. Théo soupira et se retourna vers elle.

- Salut.

Il hésita entre la remballer ou la draguer. Elle était loin d'être moche mais il n'était pas trop d'humeur et rejeter une fan n'était pas vraiment bon pour son image.

-Je peux faire quelque chose pour toi?

- Tu voudrais bien fair une photo avec moi?

La proposition ressemblait à toutes les autre mais d'habitude, il avait quand même doit à quelques compliments ou, en tout cas, à un bonjour... Il accepta tout de même, les fans ne sont jamais de trop et il ne se voyait pas la rejeter!

- Biensur, viens!

Il l'attira contre lui et la jeune femme tendit son appareil photo de façon à ce qu'on les voit tous les deux. Théo regarda l'appareil et, au moment où il s'appretait à faire son plus beau sourire, la jeune femme se jetta sur lui et l'embrassa. Il tenta de la repousser, totalement sous le choque. Elle mit, de force, sa langue dans le bouche du jeune homme qui esseyait tant bien que mal de se retirer de l'entreinte de la jeune femme. Il entendit tout à coup des crépitements qu'il ne connaissait que trop bien. Il poussa tout à fait l'inconnue et regarda en direction du bruit.

- Et meerde! Un paparazzi!

Il jura, lança un regard assassin à la jeune femme tout souriante et ensuite au photographe, un sourir vainqueur collé au visage.

- ( chuchotant ) On veut faire plaisir et voila ce qui arrive!!

« Bingo. »

Jusque là Theo n’offrait rien de bien probant au photographe. Certes des magazines pouvaient payer des fortunes pour avoir des images des stars les plus en vues dans leur vie quotidienne, mais franchement quel intérêt ? Mise à part sans doute prouver à leurs chers lecteurs et fans qu’ils étaient des personnes comme les autres. Qu’ils avaient une vie ordinaire en dehors des plateaux et qu’ils étaient bien sur la même planète qu’eux à vaquer à leurs occupations réciproques et celles que chacun partageait également. Après tout, c’était des êtres humains comme les autres. Ils mangeaient un cheeseburger avec le défaut de classe de chacun. Ils étaient malades comme tout le monde lorsque le vent londonien se faisait encore plus glacial que d’habitude. Ils avaient une tête rouge tomate lorsqu’ils promenaient leur chien à 5 heures du matin. Ils allaient aux toilettes également … enfin, ça non. C’était connu et reconnu ça : les stars ne faisaient pas de besoin. La gastro, ils ne connaissaient pas, les chanceux. Comme les jolies filles, ils vivaient dans des maisons en pain d’épice.

Toujours est-il que Theo, tout Miller qu’il soit, buvant un café près de l’aéroport ne présentait aucun intérêt pour Judah ou pour le Little news. Non c’était plutôt de l’acabit de Oh ! ça. Ou de Just Jared. Mais le jeune homme refusait de ne pas offrir du croustillant. Il voulait toujours tout savoir et ne s’étonnait jamais de rien lorsqu’on lui annonçait une nouvelle spectaculaire qu’il connaissait pourtant depuis belle lurette. C’était lui le diffuseur à l’origine. Et même lorsque ce n’était pas le cas – par exemple quand c’était l’autre Krayde qui la balançait – il ne pouvait s’empêcher d’être blasé encore une fois.

Mais lorsque la fan se mit à accoster le fringuant acteur, les lèvres de Judah se fendirent en un léger sourire. Ca devenait intéressant ça. Il voyait le truc venir à des kilomètres à la ronde. ‘Et une nouvelle conquête de plus.’ ‘Theo Miller s’envoie en l’air entre deux continents.’ Bien évidemment, ce n’était pas l’exacte vérité mais il s’en fichait. Ca ferait vendre. Et ça rajouterait de l’huile sur le feu, le jeu favori de notre paparazzi. Quand l’inconnue – plutôt mignonne au demeurant bien que très jeune – se mit à rouler une pelle, pioche, balai à Theo, le jeune homme éclata d’un rire discret en mitraillant de plus belle. Limite, il aurait manigancé l’affaire, ça n’aurait pas aussi bien marché. Qu’elles étaient tout de même utiles ces fans superflues et superficielles.

Oups repéré au vu de la réaction de Theo et du regard qu’il lui lança, Judah lui envoya un large sourire en lui présentant son café comme pour le saluer. C’était dans la boîte. Quoi qu’il puisse dire, quoi qu’il puisse affirmer, les preuves étaient là. Après tout, l’appareil photo ne mentait jamais. A ce moment, un individu quelque peu âgé arriva à grande enjambée vers Theo et la demoiselle. Ah, ça se confirmait : elle était mineure et ce monsieur tout rouge de colère devait être son père. De plus en plus intéressant pour notre jeune paparazzi qui continuait à mitrailler sa victime du moment. Deux scoops – enfin un et demi dirons nous – dans la même mâtinée. Tout compte fait, cette journée se présentait bien. ‘Theo Miller, accusé de détournement de mineure ?!’

Tout à coup, alors que Théo pensait qu'il ne pouvait pas tomber plus bas, un homme d'un cinquantaine d'années se précipita vers lui. Il semblait très en colère et il fallu un certain temps à Théo avant de comprendre ce qu'il lui voulait. Il jeta un regard au journaliste que n'en finissait pas de sourir et de le mittrailler. La journée s'annonçait pourtant bien avant ça... Le vieil homme était gros, ridé, chauve... C'est vrai, Théo n'était pas très rassuré. Lorsqu'il arriva en face de lui, il attrapa d'un geste vif la chemise du jeune acteur et le regarda d'un air menaçant.

- Tu te prends pour qui pour embrasse ma fille comme ça, sal gamin?

Théo fit de grand yeux. * Moi, un sal gamin?! Puis quoi encore?! * Il ne dit pourtant rien, sachant qu'il n'y était pour rien. Le paparazzi semblait hilaré derrière son appareil et Théo décida de se défendre. Il n'allait quand même pas se laisser faire par un obèse!

- Ecoutez monsieur, je n'y suis pour rien.

L'homme ne le laissa pas temriner et continua à hurler, postionnant sur le pauvre Théo. Il était pris au piège, l'homme le tenait toujours fortement et n'avait pas l'intention de le lacher.

- Ne fais pas l'innocent, je t'ai vu. Et je compte bien te le faire payer. Personne ne touche à ma princesse!

Théo ne savait plus quoi faire, il hésitait entre rire et pleurer. Il jeta un regard à la vrai coupable. Elle regardait le sol, amusée et gênée à la fois.

- Je... Votre fille est folle! Elle m'a sauté dessus!

Tout ça devenait dangereux, l'homme n'aimait apparement pas les critiques envers sa fille. Théo se demandait s'il avait une chance de le battre, s'il pouvait lui donner un bon coup de point et partir en courrant. Il repensa cependant au journaliste fou de joie, à sa photo en première page et à la force de l'homme plutôt caustaud... * Au secour, j'ai aucune chance! * Il esseya tout de même de se détacher de son emprise pour s'éloigner mais ne parvint qu'à faire rire les personnes qui l'entouraient à présent. Une troupe s'était formée autour d'eux composé des fans de bagarres et de fan de Théo. Il sourit alors en se disant que la chance était quand même avec lui. Il prit un air choqué.

- Non mais lachez moi espèce de vieux fou! Qu'est ce que vous me voulez?

Il lança un regard désesperé aux personne autours de lui et certains finirent par lui venir en aide, comme il l'avait espéré. Ils se mirent à hurler pour qu'il le lache et le vieil homme finit par le faire. Il attrappa sa fille par la main et se précipita vers la sortie. Théo remercia ses fans émerveillé et s'éloigna...

* Pfiou, j'l'ai échapé belle! *

Il devait tout de même avoir un certain côté sadique chez lui. Pas qu’il adorait mettre dans l’embarras les personnes qu’il était amené à côtoyer. Mais il fallait bien qu’il avoue et ce même sans confesseur ou obligation qu’il se délectait d’être spectateur de leur embourbement. Il se retrouvait alors avec l’impression d’être un de ces reporters de brousse, envoyé dans la savane africaine. Il voyait l’inéluctable tragédie arriver droit sur les pauvres victimes qu’il avait dans sa ligne de mire. Un sort funeste les attendait sans le moindre conteste. Et pourtant, il ne faisait rien pour empêcher cette tragédie des temps modernes. Ce n’était absolument pas son rôle. Il était juste le témoin du déchaînement de la nature à l’encontre d’un de ses enfants.

Pour autant, on ne pouvait pas dire clairement que la nature interférait quoi que ce soit dans les sujets hautement londoniens de Judah. Tout au plus la nature humaine ou s’il fallait être juste dans l’appréciation, la bêtise humaine. Mais il n’allait certainement pas s’en plaindre. Après tout, du moment que ça lui rapportait un bon petit paquet de livres sterling, il n’en demandait pas plus. Et la scène qui se déroulait sous ses yeux, enfin plutôt sous son objectif, valait son pesant de cacahuètes.

Riant mais en maintenant son appareil braqué sur la pseudo star de la petite lucarne. Il faisait moins le fier face à ce solide gaillard d’une cinquantaine d’année et dans un esprit de perversion, Judah se délecta. Pour une fois que ce n’était pas lui qui se trouvait avec un poing venant tout droit s’écraser sur sa ravissante petite gueule. Ca le changeait, indubitablement. Observant la scène, la mitraillant, Judah n’intervint pas un seul moment même s’il aurait pu prendre la défense de l’acteur. Après tout, il avait tout vu et Théo avait raison. Mais ce n’était pas son travail. Il n’était qu’un témoin. Et il devait laisser l’antilope se faire attraper par le guépard assoiffé de sang.

Finalement, avec la capacité d’un serpent, sa cible parvint à se dégager des griffes de son prédateur grâce à l’intervention de bons samaritains qui n’avaient visiblement pas mieux à faire pour la journée. Juda fit une petite moue déçue. Il aurait adoré le voir se faire coffrer par la police pour violences sur la voie publique. Ca lui aurait ajouter un zéro à la valeur de ses clichés. Mais bon, il devrait se contenter de ce qu’il avait. Il ne perdait pas espoir après tout. La journée ne faisait que commencer.

Observant la qualité de ses clichés en les faisant défiler sur son appareil numérique, il attrapa son portable et appuya sur la touche 9 qui permettait d’accéder directement à son client le plus important. La sonnerie ne résonna que durant quelques temps avant que la voix masculine qu’il ne connaissait que trop bien ne se fasse entendre à son tour :

« Kyle ? C’est Judah. Brad Pitt en démarchage et Theo Miller ayant maille à partir avec le père d’une de ses jeunes conquêtes. Ca t’intéresse ? »

Face à la réponse quasi immédiate de son boss occasionnel, le paparazzi éclata de rire en secouant la tête et poursuivit, rangeant son matériel dans sa sacoche :

« Ok, j’arrive. Je suis là d’ici une dizaine de minutes. »

Il démarra sa voiture à toute allure sans faire attention aux passants. Lorsqu’il croisa Théo qui s’éloignait tranquillement à pied, le jeune journaliste avec sa facétie calamiteuse le klaxonna en lui faisant un petit signe amical de la main : je t’ai eu.